"Contrôle" chronique sur rueduthéâtre!
Blog www.rueduthéâtre.eu article publié par Christophe Nonnenmacher le 18 juillet 2015
« When Darwin meets Amazon »
'Contrôle' : l'histoire d'une société en mode Disney. La nôtre, formatée, globalisée et englobante. Celles des Google, Amazon, Facebook. Une société de contrôle, de surveillance, de contrainte, asservie à une norme plus qu'à un corpus législatif. Une norme à laquelle nul n'échappe parce que reflet de règles ingérées, reproduites, consenties depuis l'enfance jusqu'à l'amnésie.
La loi ? Un cadre auquel il est toujours possible d'échapper, voire de s'opposer. La norme ? Une reproduction orwellienne en 2.0, où nul ne peut plus échapper à l'oeil des caméras, du profilage, du code barre, comme dans ces centres de stockage d'un géant de la distribution US. Produits, matériels, employés. Même les scans sont « flashcodés ». L'humain ? Nouvelle proie des biotech que l'on puce comme des biens, comme des arbres, comme des chiens. Rien n'échappe au scan. Pour le bien de tous, cela va de soi. Pour le bien de l'humain désireux de vivre au delà de ses limites, de connecter son âme au réseau au risque de la perdre. De vivre, longtemps, toujours plus longtemps en gommant ses maux génétiques jusqu'à en cacher, effacer, lobotomiser son humanité. Jusqu'à faire de celle-ci une sous-couche, un sous-genre d'une néo-humanité susceptible de renvoyer la précédente à l'ère du singe. Une sous branche depuis laquelle ceux qui auront refusé de se hisser seront condamnés à rester. A se laisser oublier, à se laisser mourir de darwinisme normatif, tels des citoyens de seconde zone auxquels ne sera plus permise d'évolution : sociale, professionnelle, matérielle, sentimentale... humaine. Parce que là est la force de la norme : la suivre, s'y conformer tel un tracé de manège chez Disney.
Contrôle ? Plus qu'une dénonciation, une forme de prophétie en cours d'exécution, dont les éléments s'entrechoquent dans un ballet rock. Contrôle ? L'opposition entre les mots doux, rassurants de la norme et nos libertés humaines. Paranaoïa ? Un mot lâché sur scène, qui ne résiste guère à l'épreuve des faits. Comme si la puce était déjà plus forte que la chair. Comme si, à force de vertige technologique, de géolocalisation, d'interconnexion, de partage ou d'e-santé maladive, imaginés, télécommandés, pilotés par quelques grands consortiums, le politique qu'il soit « -e » ou « IRL » avait, malgré Occupy Wall Street ou toute autre forme d'hacktivisme, déjà déposé les armes face à l'économique.
Certes, beaucoup aurait encore pu être dit dans cette pièce portée par la mise en scène de Perrine Maurin et co-écrite avec Gurshad Shaheman. Certes, le propos aurait pu aller bien plus loin, dépasser le simple militantisme romantique – paradoxalement presque normatif - pour gagner en force et sortir des milieux activistes déjà conquis. Mais la base du travail de réflexion post-digital est néanmoins bien présent. Abrupte, parfois obscure pour les non initiés, ceux à qui ne diront rien Tor, EDRI, FFII, la Quadrature ou autres Anonymous, mais elle est incontestablement présente. Ne reste plus qu'à voir si celle-ci,par son propos un brin élitiste, résiste néanmoins à la tyrannie du librement consenti.
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